Je suis convaincu par la robustesse à titre personnel, mais mes investisseurs me demandent de la performance, mes clients me demandent des prix bas et des délais courts, mes électeurs, de l’efficacité. Comment faire ?

Réponse Pour les investisseurs, la robustesse appelle un mot-clé : le risque. Un projet qui mise d’abord sur la performance est forcément très canalisé. Dans un monde fluctuant et imprévisible, c’est bien trop risqué. Tout investisseur digne de ce nom peut le comprendre, une fois expliqué le niveau de fluctuation à venir. Il ne s’agit pas de manier la peur du risque ; au contraire, il s’agit de réenchanter le risque en construisant un modèle économique et financier dessus. Inutile de déclarer « la fin de l’abondance » si la stratégie retenue entretient la pénurie sociale et écologique ; il va falloir construire la robustesse sur l’abondance des interactions, pour répondre aux carences et aux fluctuations à venir.

Pour ce qui est du client impatient, capricieux ou contraint financièrement, le monde fluctuant va aussi nécessairement modifier sa posture. Dans un monde fluctuant, il devra et saura patienter. En effet, quand les ressources manquent, il n’a pas d’autres choix que d’attendre. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pendant la crise sanitaire, où les délais pour acquérir certains biens de consommation sont parfois passés d’un mois à un an. Le tout-reconditionnable et le tout-réparable donneront aussi l’occasion de répondre de façon plus active et créative aux pénuries.

La fin de l’abondance matérielle aura certainement des vertus pédagogiques. Pour l’électeur, la coopération locale dans l’association ou l’entreprise – le premier kilomètre de la démocratie – sera une clé essentielle pour recréer une mobilisation politique constructive, en bottom-up, loin de l’injonction d’efficacité en top-down. Elle pourrait redonner du sens au vote.

Contrairement à la sobriété, souvent mise en avant par ceux qui peuvent assez facilement réduire leur train de vie, la robustesse est aussi engageante pour les plus pauvres. Durer mobilise certainement plus que réduire. À long terme, le salaire à vie, encore à débattre et à construire, pourrait enfin lever la contrainte financière en donnant à chacun un revenu hétérogène mais toujours digne.

Dans un monde fluctuant, les décideurs et les entrepreneurs ne sont pas les seuls à changer, c’est toute la société qui bascule. Investisseurs, clients et électeurs privilégieront eux aussi la robustesse, inévitablement.
Auteurice de la réponse Olivier Hamant
Réponse ? Oui