Une retranscrption à partir de l'enregistrement et des notes prises sur la pad par les participant.e.s (avec une petire coupure dans l'enregistrement)
Olivier Hamant :On entre dans le monde des ruptures, avec une de plus chaque semaine. C'est un monde vécu, ce monde fluctuant est devenu réalité.
Il y a eu un chemin du développement durable vers la résilience puis vers la robustesse. Le terme de résilience présente des problèmes du fait de plusieurs compréhensions. La robustesse permet de partir ailleurs, « ce n'est pas la sélection des meilleurs et si on tombe ce n'est pas fatal ».
OH : C'est un tripode de 3 principes
Laurent : Du coup, on sent bien que derrière l'idée de robustesse il y a vraiment une idée de processus, il va falloir réapprendre à coopérer, parfois, tu parles même de lenteur, il y a un côté éloge de la lenteur. Or certaines personnes disent que ça brûle un peu, il faut peut-être aller un peu vite. Et donc, du coup, comment, on peut, dans un monde où on sent que tout est urgent, reprendre le temps et comme certains disent de penser pour pouvoir panser ?
OH : C'est ce que ce que je dis souvent, avec un peu une pirouette, mais « c'est quand on manque de temps qu'il faut se reconnecter à son espace ». On évolue dans un environnement à quatre dimensions, si on manque de temps ça veut dire qu'il va falloir se reconnecter au territoire. Cela veut dire: multiplier les interactions avec son territoire local, avec son ancrage local, avec l'eau du territoire, avec les ressources du territoire, avec les gens du territoire, avec les services du territoire, avec les compétences du territoire. Cela c'est de l'espace, c'est du lien géographique. Et avec ça, en fait, on répond au manque de temps.
Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on ne s'en rend pas compte, mais en fait, ensemble, en est en train de construire le monde de demain, beaucoup plus vite que si on fait du techno solutionnisme dans l'urgence, qui va ne faire qu'accélérer l'épuisement des ressources. Je caricature un peu, je binarise un petit peu, mais se reconnecter à son espace est une bonne façon de répondre à l'urgence pour le temps. Ce qui est très fort là dedans c'est qu'en fait, quand on met la priorité sur le lien à l'espace, le temps devient secondaire, et du coup, on va interagir plus. Pour interagir plus, il faut ralentir, donc ralentir n'est pas l'objectif, c'est le moyen d'interagir plus, donc de se reconnecter à son espace.
Laurent : Nous, quand on parle bande de coopération, on dit ce n'est pas une injonction à la coopération ; on crée ce qu'on appelle un écosystème de coopération et qui, du coup, crée les conditions de la coopération. Toi tu transposerais assez facilement la phrase en disant : ce qu'il faut, c'est créer des écosystèmes de robustesse et du coup, tu laisses entendre que la question de la robustesse ne peut être que territorialisée ?
OH : Oui, c'est territorialisé, mais c'est arborescent aussi. Une fois que l'on a mis le pied dedans on ne s'arrête plus en fait, tout appelle de plus en plus de robustesse. L'exemple qui est bien pratique, c'est Pocheco (Pocheco Fabricant d'enveloppes et de pochettes écologiques depuis 1928 ), un exemple que l'on utilise souvent dans le milieu écolo ; la boîte d'enveloppes près de Lille.
Petite coupure ...
OH : Quand il y a une urgence, il va y avoir un moment de performance comme dans le cas de la fièvre pour un humain (ndr où le corps humain est momentanément plus performant pour réagir aux infections). Le coup d'après, c'est l'installation de la robustesse. Il y aurait sans doute un travail à faire pour voir ce qui a manqué à Mayotte pour que ce type de catastrophe ait moins d'impacts négatifs. Il y a sans doute un sujet sur l'inégalité qui existe entre Mayotte et les Comores qui sont juste à côté. Comment on inscrit Mayotte dans son territoire géopolitique proche ?
Question : lors d'une conf à Génève d'Arthur Keller, sur une question autour de la notion de résilience, il y a eu un flou et un écart entre sa définition à lui et ce que tu portes, Olivier.
OH : Avec Arthur Keller, on est d'accord sur la definition socioécologique de la résilience, qui ressemble beaucoup à la notion de robustesse. Mais il y a eu un abus de langage de Foelke sur cette notion. Préférer la robustesse à la résilience. Arthur Keller : Résilience socio-économique globale (mais mauvais emploi du terme) : Capacité d'un système à persister à s'adapter dans un monde dynamique ("la résilience se réfère à la capacité d’un système, d’une personne ou d’une communauté à résister, à s’adapter et à se rétablir face à des perturbations ou à des changements, puis à en sortir plus fort pour affronter une nouvelle crise").
La Robustesse pose des borne et n'incite pas à tomber, elle permet de faire le tri dans les solutions possibles dans un monde viable. La Robustesse ouvre des chemins. Aujourd'hui le terme résilience est utilisé en socio-économie selon la définition de la psychologie de la résilience. C'est pourquoi il est préfèrable d'utiliser le mot robustesse qui évite le problème de la trajectoire "on tombe et on se relève" et la tentation d'optimiser la trajectoire, et de retomber dans les travers de la performance. Quand on utilise le mot résilience sans le définir c'est plutôt néo libéral, il y a une tentation de performance dans la résilience ; la robustesse est un vieux mot sans trop de définitions multiples.
EC à Skema business school : Comment on met en place la robustesse ? En général, on pense désir et ensuite le possible à savoir que le possible s'inscrit dans l'espace des désirs en espérant que l'intersection soit non nulle. Est-ce que la robustesse n'est pas l'inverse ? partir du possible et de voir à partir des possibles, ce qui est désirable ? Il y a deux logiques qui s'opposent si on parle du désir, en fait, on est dans le nécessaire et dans l'autre cas, on est dans le suffisant, donc, on n'est pas dans la performance, puisque ça ne tire pas optimum et il n'y a pas d'idéal.
OH : Je ne sais pas si je réponds exactement. Pour moi, en effet la robustesse au niveau opérationnel, c'est une question de tri dans les possibles. Il y a tout un champ des possibles, et il y a des possibles qui vont nous enfermer dans des futurs obsolètes, techno-solutionnistes, pour le dire rapidement. La robustesse permet de faire le tri dans des solutions qui sont viables dans un monde fluctuant. Dans un monde fluctuant, il y a des solutions qui ne sont pas viables et il y a des solutions qui sont les plus viables, avec tout un gradient évidemment. La robustesse est un critère de tri.
Après, est-ce que c'est de la suffisance nécessaire et suffisant ? Pour moi, le côté désirable de la robustesse, c'est que ça ouvre des chemins et qu'en fait, ça ouvre même la possibilité de changer d'objectif, ce qui est quand même une liberté énorme, alors que quand on reste dans la performance, en fait, on est coincé par son objectif ; c'est le fameux adage zen : celui qui a atteint son objectif a manqué tous les autres. Ce n'est pas la vie ça, ce n'est même pas l'évoIution du vivant ! Dans l'évolution du vivant il n'y a pas d'objectif. L'évolution ne sait pas où elle va. Je dirais plutôt cela : un tri dans les possibles.
Questions par les animateurs (Laurent Marseault Gatien Bataille)
Pourquoi le terme robuste explose de partout ?
Olivier Hamant :On entre dans le monde des ruptures, avec une de plus chaque semaine. C'est un monde vécu, ce monde fluctuant est devenu réalité.
Il y a eu un chemin du développement durable vers la résilience puis vers la robustesse. Le terme de résilience présente des problèmes du fait de plusieurs compréhensions. La robustesse permet de partir ailleurs, « ce n'est pas la sélection des meilleurs et si on tombe ce n'est pas fatal ».
Dans un des documents tu dis que la robustesse ne suffira pas : pourquoi ?
OH : C'est un tripode de 3 principes
- la circularité : La circularité, contrairement parfois à ce que l'on dit, c'est se placer dans les conditions où le gâchis n'est pas un problème. C'est là où l'on voit que ce n'est pas très efficient : les systèmes vivants sont circulaires, parce qu'en fait, il y a énormément de fuites. Souvent on dit que le vivant recycle tout, c'est vrai, mais au premier ordre, il y a surtout des fuites, ça fuite de tous les côtés, de l'énergie, de l'eau qui s'évapore, des déchets, etc.. Tout cela nourrit l'écosystème et permet de continuer à tourner.
- La coopération c'est quand l'objectif commun l'emporte sur l'objectif individuel et du coup c'est une sorte de contre-performance individuelle au service de la robustesse du groupe. La coopération ce n'est pas juste l'addition de succès individuels ; cela ce serait plutôt la collaboration. La coopération c'est lorsque le commun l'emporte sur la performance individuelle. (J'essaie de clarifier un peu les termes).
- Dans la circularité ce n'est pas l'efficience que l'on met en avant mais la générosité, le don et le fait de recycler pour les autres. Et dans la coopération, on ne met pas non plus la performance en premier c'est la robustesse du groupe avant la performance individuelle. Je distingue la collaboration au sens "faire avec un horizon limité où le temps est décompté" et coopérer au sens de "réfléchir sans injonction et en pouvant prendre le temps". La coopération crée un monde plus joyeux, un monde avec des interactions plus riches et sympas.
- La robustesse...
Laurent : Du coup, on sent bien que derrière l'idée de robustesse il y a vraiment une idée de processus, il va falloir réapprendre à coopérer, parfois, tu parles même de lenteur, il y a un côté éloge de la lenteur. Or certaines personnes disent que ça brûle un peu, il faut peut-être aller un peu vite. Et donc, du coup, comment, on peut, dans un monde où on sent que tout est urgent, reprendre le temps et comme certains disent de penser pour pouvoir panser ?
OH : C'est ce que ce que je dis souvent, avec un peu une pirouette, mais « c'est quand on manque de temps qu'il faut se reconnecter à son espace ». On évolue dans un environnement à quatre dimensions, si on manque de temps ça veut dire qu'il va falloir se reconnecter au territoire. Cela veut dire: multiplier les interactions avec son territoire local, avec son ancrage local, avec l'eau du territoire, avec les ressources du territoire, avec les gens du territoire, avec les services du territoire, avec les compétences du territoire. Cela c'est de l'espace, c'est du lien géographique. Et avec ça, en fait, on répond au manque de temps.
Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on ne s'en rend pas compte, mais en fait, ensemble, en est en train de construire le monde de demain, beaucoup plus vite que si on fait du techno solutionnisme dans l'urgence, qui va ne faire qu'accélérer l'épuisement des ressources. Je caricature un peu, je binarise un petit peu, mais se reconnecter à son espace est une bonne façon de répondre à l'urgence pour le temps. Ce qui est très fort là dedans c'est qu'en fait, quand on met la priorité sur le lien à l'espace, le temps devient secondaire, et du coup, on va interagir plus. Pour interagir plus, il faut ralentir, donc ralentir n'est pas l'objectif, c'est le moyen d'interagir plus, donc de se reconnecter à son espace.
Laurent : Nous, quand on parle bande de coopération, on dit ce n'est pas une injonction à la coopération ; on crée ce qu'on appelle un écosystème de coopération et qui, du coup, crée les conditions de la coopération. Toi tu transposerais assez facilement la phrase en disant : ce qu'il faut, c'est créer des écosystèmes de robustesse et du coup, tu laisses entendre que la question de la robustesse ne peut être que territorialisée ?
OH : Oui, c'est territorialisé, mais c'est arborescent aussi. Une fois que l'on a mis le pied dedans on ne s'arrête plus en fait, tout appelle de plus en plus de robustesse. L'exemple qui est bien pratique, c'est Pocheco (Pocheco Fabricant d'enveloppes et de pochettes écologiques depuis 1928 ), un exemple que l'on utilise souvent dans le milieu écolo ; la boîte d'enveloppes près de Lille.
Petite coupure ...
Question : Comment répondre à l'urgence de la situation à Mayotte et reconstruire en mode robuste ?
OH : Quand il y a une urgence, il va y avoir un moment de performance comme dans le cas de la fièvre pour un humain (ndr où le corps humain est momentanément plus performant pour réagir aux infections). Le coup d'après, c'est l'installation de la robustesse. Il y aurait sans doute un travail à faire pour voir ce qui a manqué à Mayotte pour que ce type de catastrophe ait moins d'impacts négatifs. Il y a sans doute un sujet sur l'inégalité qui existe entre Mayotte et les Comores qui sont juste à côté. Comment on inscrit Mayotte dans son territoire géopolitique proche ?
Question : lors d'une conf à Génève d'Arthur Keller, sur une question autour de la notion de résilience, il y a eu un flou et un écart entre sa définition à lui et ce que tu portes, Olivier.
OH : Avec Arthur Keller, on est d'accord sur la definition socioécologique de la résilience, qui ressemble beaucoup à la notion de robustesse. Mais il y a eu un abus de langage de Foelke sur cette notion. Préférer la robustesse à la résilience. Arthur Keller : Résilience socio-économique globale (mais mauvais emploi du terme) : Capacité d'un système à persister à s'adapter dans un monde dynamique ("la résilience se réfère à la capacité d’un système, d’une personne ou d’une communauté à résister, à s’adapter et à se rétablir face à des perturbations ou à des changements, puis à en sortir plus fort pour affronter une nouvelle crise").
La Robustesse pose des borne et n'incite pas à tomber, elle permet de faire le tri dans les solutions possibles dans un monde viable. La Robustesse ouvre des chemins. Aujourd'hui le terme résilience est utilisé en socio-économie selon la définition de la psychologie de la résilience. C'est pourquoi il est préfèrable d'utiliser le mot robustesse qui évite le problème de la trajectoire "on tombe et on se relève" et la tentation d'optimiser la trajectoire, et de retomber dans les travers de la performance. Quand on utilise le mot résilience sans le définir c'est plutôt néo libéral, il y a une tentation de performance dans la résilience ; la robustesse est un vieux mot sans trop de définitions multiples.
EC à Skema business school : Comment on met en place la robustesse ? En général, on pense désir et ensuite le possible à savoir que le possible s'inscrit dans l'espace des désirs en espérant que l'intersection soit non nulle. Est-ce que la robustesse n'est pas l'inverse ? partir du possible et de voir à partir des possibles, ce qui est désirable ? Il y a deux logiques qui s'opposent si on parle du désir, en fait, on est dans le nécessaire et dans l'autre cas, on est dans le suffisant, donc, on n'est pas dans la performance, puisque ça ne tire pas optimum et il n'y a pas d'idéal.
OH : Je ne sais pas si je réponds exactement. Pour moi, en effet la robustesse au niveau opérationnel, c'est une question de tri dans les possibles. Il y a tout un champ des possibles, et il y a des possibles qui vont nous enfermer dans des futurs obsolètes, techno-solutionnistes, pour le dire rapidement. La robustesse permet de faire le tri dans des solutions qui sont viables dans un monde fluctuant. Dans un monde fluctuant, il y a des solutions qui ne sont pas viables et il y a des solutions qui sont les plus viables, avec tout un gradient évidemment. La robustesse est un critère de tri.
Après, est-ce que c'est de la suffisance nécessaire et suffisant ? Pour moi, le côté désirable de la robustesse, c'est que ça ouvre des chemins et qu'en fait, ça ouvre même la possibilité de changer d'objectif, ce qui est quand même une liberté énorme, alors que quand on reste dans la performance, en fait, on est coincé par son objectif ; c'est le fameux adage zen : celui qui a atteint son objectif a manqué tous les autres. Ce n'est pas la vie ça, ce n'est même pas l'évoIution du vivant ! Dans l'évolution du vivant il n'y a pas d'objectif. L'évolution ne sait pas où elle va. Je dirais plutôt cela : un tri dans les possibles.