Comment déteindre sur un système qui nous englobe?
Auteurice de la question
Sophie
Réponse
Plusieurs stratégies sont possibles:
- s'associer à des alliés et coopérer pour agrandir la zone "du déjà là robuste"
- cultiver ses marges et prendre appui sur ses fragilités, ses vulnérabilités
- communiquer massivement: oser et assumer ses choix, être explicite, mettre le projecteur sur le sens de nos actions, valoriser la valeur ajoutée dans le temps, co construire de nouveaux récits
- ringardiser le système sectaire, mettre le projecteur sur les aspects délétères et/ou absurdes de l'ultra performance: faire contre modèle sans timidité
- agir dans l'ombre, être furtif
- s'associer à des alliés et coopérer pour agrandir la zone "du déjà là robuste"
- cultiver ses marges et prendre appui sur ses fragilités, ses vulnérabilités
- communiquer massivement: oser et assumer ses choix, être explicite, mettre le projecteur sur le sens de nos actions, valoriser la valeur ajoutée dans le temps, co construire de nouveaux récits
- ringardiser le système sectaire, mettre le projecteur sur les aspects délétères et/ou absurdes de l'ultra performance: faire contre modèle sans timidité
- agir dans l'ombre, être furtif
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant- Laurent Marseault-gatien Bataille et les participants de la formation robuste 1
Réponse ?
Non
Je suis convaincu par la robustesse à titre personnel, mais mes investisseurs me demandent de la performance, mes clients me demandent des prix bas et des délais courts, mes électeurs, de l’efficacité. Comment faire ?
Réponse
Pour les investisseurs, la robustesse appelle un mot-clé : le risque. Un projet qui mise d’abord sur la performance est forcément très canalisé. Dans un monde fluctuant et imprévisible, c’est bien trop risqué. Tout investisseur digne de ce nom peut le comprendre, une fois expliqué le niveau de fluctuation à venir. Il ne s’agit pas de manier la peur du risque ; au contraire, il s’agit de réenchanter le risque en construisant un modèle économique et financier dessus. Inutile de déclarer « la fin de l’abondance » si la stratégie retenue entretient la pénurie sociale et écologique ; il va falloir construire la robustesse sur l’abondance des interactions, pour répondre aux carences et aux fluctuations à venir.
Pour ce qui est du client impatient, capricieux ou contraint financièrement, le monde fluctuant va aussi nécessairement modifier sa posture. Dans un monde fluctuant, il devra et saura patienter. En effet, quand les ressources manquent, il n’a pas d’autres choix que d’attendre. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pendant la crise sanitaire, où les délais pour acquérir certains biens de consommation sont parfois passés d’un mois à un an. Le tout-reconditionnable et le tout-réparable donneront aussi l’occasion de répondre de façon plus active et créative aux pénuries.
La fin de l’abondance matérielle aura certainement des vertus pédagogiques. Pour l’électeur, la coopération locale dans l’association ou l’entreprise – le premier kilomètre de la démocratie – sera une clé essentielle pour recréer une mobilisation politique constructive, en bottom-up, loin de l’injonction d’efficacité en top-down. Elle pourrait redonner du sens au vote.
Contrairement à la sobriété, souvent mise en avant par ceux qui peuvent assez facilement réduire leur train de vie, la robustesse est aussi engageante pour les plus pauvres. Durer mobilise certainement plus que réduire. À long terme, le salaire à vie, encore à débattre et à construire, pourrait enfin lever la contrainte financière en donnant à chacun un revenu hétérogène mais toujours digne.
Dans un monde fluctuant, les décideurs et les entrepreneurs ne sont pas les seuls à changer, c’est toute la société qui bascule. Investisseurs, clients et électeurs privilégieront eux aussi la robustesse, inévitablement.
Pour ce qui est du client impatient, capricieux ou contraint financièrement, le monde fluctuant va aussi nécessairement modifier sa posture. Dans un monde fluctuant, il devra et saura patienter. En effet, quand les ressources manquent, il n’a pas d’autres choix que d’attendre. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pendant la crise sanitaire, où les délais pour acquérir certains biens de consommation sont parfois passés d’un mois à un an. Le tout-reconditionnable et le tout-réparable donneront aussi l’occasion de répondre de façon plus active et créative aux pénuries.
La fin de l’abondance matérielle aura certainement des vertus pédagogiques. Pour l’électeur, la coopération locale dans l’association ou l’entreprise – le premier kilomètre de la démocratie – sera une clé essentielle pour recréer une mobilisation politique constructive, en bottom-up, loin de l’injonction d’efficacité en top-down. Elle pourrait redonner du sens au vote.
Contrairement à la sobriété, souvent mise en avant par ceux qui peuvent assez facilement réduire leur train de vie, la robustesse est aussi engageante pour les plus pauvres. Durer mobilise certainement plus que réduire. À long terme, le salaire à vie, encore à débattre et à construire, pourrait enfin lever la contrainte financière en donnant à chacun un revenu hétérogène mais toujours digne.
Dans un monde fluctuant, les décideurs et les entrepreneurs ne sont pas les seuls à changer, c’est toute la société qui bascule. Investisseurs, clients et électeurs privilégieront eux aussi la robustesse, inévitablement.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui
La crise climatique est aussi une urgence. Cela demandera bien de la performance ?
Réponse
La performance est la réponse opérationnelle à l’urgence transitoire, un peu comme la fièvre chez les êtres vivants. Toutefois, nous devrions résister à cette injonction quand la crise est systémique et perdure. C’est justement le cas du dérèglement climatique qui va nous occuper pendant au moins deux siècles.
Face à une crise durable, les êtres vivants ne développent pas de stratégies performantes ; ils augmentent leur robustesse en se diversifiant. Une leçon pour le monde socioéconomique ? Prenons le cas des éoliennes. L’installation rapide d’une multitude d’éoliennes off-shore géantes répond à l’urgence par l’urgence. Toutefois, nous ne répondons pas du tout au risque de tempête maritime extrême ou à la capacité des territoires à gérer une coupure massive de courant. Nous pourrions au contraire promouvoir une décentralisation massive des sources d’énergie pour les rendre robustes, c’est-à-dire distribuer des petites éoliennes amovibles et réparables (avec la formation correspondante) sur tous les habitats, en plus de panneaux solaires ou de la géothermie. La production électrique serait moins importante, mais réellement bas carbone et sa décentralisation en réseau garantirait la viabilité du système en cas de forte turbulence, sans avoir recours à une technocratie distante.
Face à une crise durable, les êtres vivants ne développent pas de stratégies performantes ; ils augmentent leur robustesse en se diversifiant. Une leçon pour le monde socioéconomique ? Prenons le cas des éoliennes. L’installation rapide d’une multitude d’éoliennes off-shore géantes répond à l’urgence par l’urgence. Toutefois, nous ne répondons pas du tout au risque de tempête maritime extrême ou à la capacité des territoires à gérer une coupure massive de courant. Nous pourrions au contraire promouvoir une décentralisation massive des sources d’énergie pour les rendre robustes, c’est-à-dire distribuer des petites éoliennes amovibles et réparables (avec la formation correspondante) sur tous les habitats, en plus de panneaux solaires ou de la géothermie. La production électrique serait moins importante, mais réellement bas carbone et sa décentralisation en réseau garantirait la viabilité du système en cas de forte turbulence, sans avoir recours à une technocratie distante.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui
La robustesse, c’est un peu la stratégie du village. Elle ne peut pas s’appliquer à des grandes échelles, que ce soit des grands pays ou des grandes entreprises.
Réponse
Si la relocalisation est en effet un élément clé indispensable de robustesse, elle n’est pas incompatible avec des grandes structures ou des grandes organisations. La biologie le démontre d’ailleurs : les êtres vivants sont tous basés sur un élément modulaire robuste, la cellule, et ils peuvent atteindre toutes les tailles, de la bactérie à la baleine. La robustesse est bien incompatible avec la croissance pyramidale si fragile, mais elle n’empêche pas l’agrandissement ; au contraire, elle l’autorise grâce aux interactions entre petites structures distribuées. Pour l’illustrer dans le monde social, on trouve l’exemple de Buurtzorg, une coopérative de soins, fondée sur des équipes de douze infirmiers et infirmières, en auto-gouvernance. Aujourd’hui Buurtzorg regroupe plus de 10 000 personnes, grâce à cette structure modulaire.
La décentralisation et la relocalisation dans le cadre de la robustesse n’impliquent pas non plus un repli sur soi ou un quelconque survivalisme (enfermé d’ailleurs dans une autre forme de performance : la radicalité). C’est au contraire en relocalisant qu’on va stimuler la coopération et son apprentissage. La robustesse requiert la densité et la diversité des interactions, c’est-à-dire le contraire du repli individualiste.
Enfin, la décentralisation n’implique pas un désengagement des structures étatiques. Comme l’a montré l’économiste et prix Nobel Elinor Ostrom dans La Gouvernance des biens communs, les structures coopératives locales maintiennent leur modèle économique et leurs ressources seulement si elles sont reconnues par une entité extérieure. Le rôle de l’État, dans le monde de la robustesse, est crucial : il ne dicte plus un agenda en top-down, mais reconnaît, stimule et met en réseau les différentes initiatives locales.
La robustesse n’est donc pas incompatible avec des grandes structures ou des grandes organisations. Une autre inversion d’ailleurs : la mondialisation performante a fait du globe un petit village par hypercentralisation ; au contraire, la décentralisation robuste rend au monde sa grandeur.
La décentralisation et la relocalisation dans le cadre de la robustesse n’impliquent pas non plus un repli sur soi ou un quelconque survivalisme (enfermé d’ailleurs dans une autre forme de performance : la radicalité). C’est au contraire en relocalisant qu’on va stimuler la coopération et son apprentissage. La robustesse requiert la densité et la diversité des interactions, c’est-à-dire le contraire du repli individualiste.
Enfin, la décentralisation n’implique pas un désengagement des structures étatiques. Comme l’a montré l’économiste et prix Nobel Elinor Ostrom dans La Gouvernance des biens communs, les structures coopératives locales maintiennent leur modèle économique et leurs ressources seulement si elles sont reconnues par une entité extérieure. Le rôle de l’État, dans le monde de la robustesse, est crucial : il ne dicte plus un agenda en top-down, mais reconnaît, stimule et met en réseau les différentes initiatives locales.
La robustesse n’est donc pas incompatible avec des grandes structures ou des grandes organisations. Une autre inversion d’ailleurs : la mondialisation performante a fait du globe un petit village par hypercentralisation ; au contraire, la décentralisation robuste rend au monde sa grandeur.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui
La robustesse met-elle en cause le capitalisme?
Auteurice de la question
Ute Sperrfechter
Réponse
Il n'est pas nécessaire de s'attaquer directement à la notion du capitalisme.
Le fait que la robustesse interroge notre lien à la propriété et marginalise la propriété privée en faveur du commun et du faire commun mine nécessairement le capitalisme financier tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Là où, avant, nous pouvions nous demander : qu'est-ce que je possède? Une belle voiture, une maison etc. se pose aujourd'hui plutôt la question : Qu'est-ce qui me possède?
Un monde régi par le principe de la robustesse verra plutôt surgir une économie de la fonctionnalité.
Le fait que la robustesse interroge notre lien à la propriété et marginalise la propriété privée en faveur du commun et du faire commun mine nécessairement le capitalisme financier tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Là où, avant, nous pouvions nous demander : qu'est-ce que je possède? Une belle voiture, une maison etc. se pose aujourd'hui plutôt la question : Qu'est-ce qui me possède?
Un monde régi par le principe de la robustesse verra plutôt surgir une économie de la fonctionnalité.
Auteurice de la réponse
Ute Sperrfechter d'après une réponse d'Olivier Hamant (formation en juin 2024)
Réponse ?
Non
La robustesse peut-elle être récupérée par la mouvance néolibérale ?
Réponse
Oui, bien sûr, si le focus porte sur la stabilité en oubliant les fluctuations. Alors prenons soin de souligner de nouveau que la robustesse se construit nécessairement sur les fluctuations et contre l’optimisation, et qu’il est impossible d’être à la fois très performant et très robuste. La robustesse s’oppose au néolibéralisme, entièrement, viscéralement.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui
Nous manquons de main-d ’œuvre aujourd’hui. Avec la robustesse, ne va-t-on pas aggraver le problème en stimulant la paresse ou le désengagement ?
Réponse
C’est bien plutôt la performance qui génère la pénurie de main-d’œuvre, notamment en créant les conditions du burn-out et du désengagement. Cette crise des emplois est causée par plusieurs facteurs dont le manque d’alignement des missions avec le monde actuel (les « bullshit jobs »), les gains de productivité (qui dans un effet rebond typique créent surtout de la fatigue, du travail moins bien fait et donc moins attractif), et la promesse perdue d’un épanouissement par le travail.
Aujourd’hui, les néorecrutés, qui sont conscients du caractère systémique du chômage depuis 40 ans, ne désirent plus nécessairement la meilleure rémunération, un contrat de travail à durée indéterminée ou encore la montée progressive des échelons au sein de la même « boîte ». Ils veulent surtout s’épanouir dans et en dehors du travail, tout en ayant un sentiment de sécurité. Cela passe par l’emploi en CDD dans plusieurs entreprises en parallèle (le mouvement des « slashers »), ou par le refus de certaines missions contraires à des valeurs profondes. Les démissions médiatiques des élèves en école d’ingénieurs montrent que ce tournant advient désormais en amont du premier emploi.
Si la perspective d’un salaire à vie peut faire craindre une désertion de certains métiers, c’est une excellente nouvelle quand il s’agit de professions toxiques pour la société ou les écosystèmes. Pour ce qui est des autres emplois, recruter un employé qui a la sécurité d’un salaire à vie est la garantie d’un investissement sincère, d’une réelle envie de se former et contribuer à l’effort collectif, loin de la seule motivation de survie personnelle. Les quelques expériences où une forme moins évoluée de salaire à vie – le revenu universel – a été testé montre que la création d’entreprise a été stimulée, et la santé des citoyens s’est améliorée. Si le revenu universel présente plusieurs défauts par rapport au salaire à vie (notamment, le risque de revenir au salaire à la tâche), ces quelques exemples démontrent qu’un salaire garanti ne déclenche pas une épidémie de paresse, bien au contraire.
Aujourd’hui, les néorecrutés, qui sont conscients du caractère systémique du chômage depuis 40 ans, ne désirent plus nécessairement la meilleure rémunération, un contrat de travail à durée indéterminée ou encore la montée progressive des échelons au sein de la même « boîte ». Ils veulent surtout s’épanouir dans et en dehors du travail, tout en ayant un sentiment de sécurité. Cela passe par l’emploi en CDD dans plusieurs entreprises en parallèle (le mouvement des « slashers »), ou par le refus de certaines missions contraires à des valeurs profondes. Les démissions médiatiques des élèves en école d’ingénieurs montrent que ce tournant advient désormais en amont du premier emploi.
Si la perspective d’un salaire à vie peut faire craindre une désertion de certains métiers, c’est une excellente nouvelle quand il s’agit de professions toxiques pour la société ou les écosystèmes. Pour ce qui est des autres emplois, recruter un employé qui a la sécurité d’un salaire à vie est la garantie d’un investissement sincère, d’une réelle envie de se former et contribuer à l’effort collectif, loin de la seule motivation de survie personnelle. Les quelques expériences où une forme moins évoluée de salaire à vie – le revenu universel – a été testé montre que la création d’entreprise a été stimulée, et la santé des citoyens s’est améliorée. Si le revenu universel présente plusieurs défauts par rapport au salaire à vie (notamment, le risque de revenir au salaire à la tâche), ces quelques exemples démontrent qu’un salaire garanti ne déclenche pas une épidémie de paresse, bien au contraire.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui
Pourquoi parler de robustesse et non de résilience ?
Réponse
La résilience a trois définitions.
Mais il y a trop d’ambiguïtés dans les différentes facettes de la résilience pour continuer à l’utiliser. La résilience dans son acception psychologique domine actuellement et peut devenir une injonction d’agilité et de consentement, parfaitement alignée avec l’idéologie performante. Il me paraît donc plus opportun de parler de robustesse, que l’on pourrait même opposer à la résilience : la robustesse crée les conditions grâce auxquelles on ne tombe pas. Les marges de manœuvre nécessaires pour cela sont incompatibles avec la recherche d’efficacité, d’efficience ou d’agilité.
- C’est d’abord la capacité d’un matériau à se déformer et à revenir à sa forme initiale.
- Cette idée d’élasticité a ensuite été déclinée en psychologie : la capacité à rebondir. Comme le dit Thierry Ribault dans Contre la résilience, il s’agit d’une forme de double peine : exiger d’être capable de tomber, et de remonter la pente. Inutile de dire que cette définition très responsabilisante s’aligne parfaitement avec la main invisible du marché, l’absence d’État et le néolibéralisme.
- Enfin, la résilience dans le champ socio-écologique est la capacité à se maintenir, à s’adapter et à se transformer dans un environnement fluctuant. Cette dernière définition est plus proche de celle de la robustesse, définie comme la capacité à se maintenir stable (sur le court terme) et viable (sur le long terme) malgré les fluctuations.
Mais il y a trop d’ambiguïtés dans les différentes facettes de la résilience pour continuer à l’utiliser. La résilience dans son acception psychologique domine actuellement et peut devenir une injonction d’agilité et de consentement, parfaitement alignée avec l’idéologie performante. Il me paraît donc plus opportun de parler de robustesse, que l’on pourrait même opposer à la résilience : la robustesse crée les conditions grâce auxquelles on ne tombe pas. Les marges de manœuvre nécessaires pour cela sont incompatibles avec la recherche d’efficacité, d’efficience ou d’agilité.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui
Que fait-on de la productivité, du « Lean management », du zéro stock, de la concurrence libre et non faussée ou encore des KPIs (« Key Performance Indicator »), tous au service de la performance ?
Réponse
Dans les années 1980, la robustesse ne prenait pas du tout en compte les fluctuations immenses qui nous attendent. Il s’agissait d’une dose cosmétique de robustesse. Par exemple, dans ces années-là, on fabriquait des produits fragiles pour stimuler la surconsommation grâce à l’obsolescence programmée, mais pas trop fragiles quand même pour ne pas souffrir d’un mauvais bouche-à-oreille. La révolution de la robustesse prend acte des fluctuations socio-écologiques en cours et à venir. C’est maintenant la performance qui doit être cantonnée à un rôle cosmétique. Il ne s’agit donc plus de fabriquer et vendre des produits un peu moins fragiles ; les futurs produits devront impérativement être réparables à vie, localement, et si possible par les citoyens eux-mêmes. De même pour les organisations : l’adaptabilité l’emportera sur l’agilité.
Par ailleurs, la robustesse des années 1980 se limitait au cadre de la loi de l’offre et la demande ; elle ignorait le lien à la planète et au vivant. La civilisation de la robustesse en construction s’aligne avec la loi de la vie, c’est-à-dire la loi des besoins et des ressources, en tenant compte des limites planétaires, des fluctuations écologiques et des pénuries matérielles. La robustesse d’un projet d’entreprise, d’une association ou d’une collectivité territoriale ne peut plus ignorer la composante environnementale. La santé commune discutée plus haut donne une méthode pour faire ce lien, en inversant la place du modèle économique. Un manifeste sur ce sujet, porté par l’Institut Michel-Serres, est d’ailleurs disponible aux Éditions Utopia.
Par ailleurs, la robustesse des années 1980 se limitait au cadre de la loi de l’offre et la demande ; elle ignorait le lien à la planète et au vivant. La civilisation de la robustesse en construction s’aligne avec la loi de la vie, c’est-à-dire la loi des besoins et des ressources, en tenant compte des limites planétaires, des fluctuations écologiques et des pénuries matérielles. La robustesse d’un projet d’entreprise, d’une association ou d’une collectivité territoriale ne peut plus ignorer la composante environnementale. La santé commune discutée plus haut donne une méthode pour faire ce lien, en inversant la place du modèle économique. Un manifeste sur ce sujet, porté par l’Institut Michel-Serres, est d’ailleurs disponible aux Éditions Utopia.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui
Quelles sont vos sources ? Comment en savoir plus ?
Réponse
L’exclusion réciproque entre performance et robustesse est largement documentée dans la littérature scientifique. Je vous renvoie par exemple aux écrits de Robert Ulanowicz qui a validé cette théorie en étudiant les écosystèmes, ou Elinor Ostrom qui arrive en creux à la même conclusion dans les systèmes sociaux dans La Gouvernance des biens communs. De nombreuses recherches en cybernétique et systémique prédatent ces conclusions socio-écologiques (théorie de la viabilité de Jean-Pierre Aubin, approche probabiliste de la communication de Claude Shannon, principes d’auto-organisation de Henri Atlan). Les militaires enfin sont des professionnels du monde fluctuant et ont généralement une excellente maîtrise de l’équilibre à trouver entre performance et robustesse.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui
Qui porte l’idée de robustesse en politique ? Pourquoi n’en parle-t-on pas plus ?
Réponse
L’éclairage scientifique a peu d’impact en politique. Par exemple, les dérogations pour le maintien des pesticides ou soutenant l’investissement dans le secteur des énergies fossiles sont souvent présentées comme du pragmatisme économique. En réalité, il s’agit le plus souvent d’une paresseuse érosion des objectifs où, au lieu de changer les pratiques, on réduit l’ambition des cibles à atteindre. Pragmatique sur plusieurs fronts – économique, écologique et scientifique – la robustesse demandera certainement un effort intellectuel et du courage politique.
Une proposition : les gouvernements et autres organes de décisions pourraient développer des protocoles pour endosser formellement les conclusions scientifiques, comme cela est fait au sein du GIEC par exemple. Cela permettrait au moins d’ajouter une prise de Terre au fil des décisions politiques.
Une proposition : les gouvernements et autres organes de décisions pourraient développer des protocoles pour endosser formellement les conclusions scientifiques, comme cela est fait au sein du GIEC par exemple. Cela permettrait au moins d’ajouter une prise de Terre au fil des décisions politiques.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui
Rien dans ce que je vois dans mon entourage me fait dire que nous avons quitté le monde de la performance. S’agit-il réellement d’un basculement en cours ?
Réponse
La différence entre une évolution progressive et un basculement est la présence… d’un point de bascule, par définition Par conséquent, un basculement, en passant du mode « Off » à « On », est nettement moins facile à détecter qu’une transition en évolution progressive. En particulier, il a été montré, sur la base des révolutions du XXe siècle, qu’il suffit d’avoir 3,5 % de manifestants dans la rue pour qu’un changement de régime advienne. Le basculement sociétal ne suit pas une dynamique linéaire. Il en va de même pour le tournant de la robustesse : les signaux faibles évoqués dans cet essai sont autant d’indicateurs d’une société au seuil du basculement.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui
Si je pars le premier sur le chemin de la robustesse, je vais me faire manger tout cru par mes concurrents. La réglementation actuelle privilégie le contrôle et l ’optimisation, et ne m’incite pas non plus à aller vers la robustesse.
Réponse
La robustesse implique nécessairement une démarche située et plurielle, construite localement, et alignée sur les fluctuations globales. En pratique, le basculement vers la robustesse requiert des investissements en temps, en ressources humaines et en finance. On ne peut pas basculer quand on est à quinze jours de la cessation de paiements. C’est trop tard. La robustesse se met en place progressivement, quand on a encore des marges de manœuvre. Il est donc important de la lancer sans dogmatisme (pour pouvoir survivre dans un monde où la compétitivité domine encore) et avec courage (car la trajectoire vers la robustesse est inéluctable). Trouver cet équilibre devrait être la nouvelle fonction première des décideurs.
Si la réglementation, encore souvent liée au monde du contrôle et de la performance, gêne le développement de la robustesse, alors il faut envisager d’être non pas hors la loi, mais devant la loi. C’est-à-dire développer des projets pilotes, comme autant de preuves de principes où écologie et économie sont réconciliées. L’exemple de la première régie municipale agricole à Mouans-Sartoux, où la ville produit les aliments de ses écoles localement, en est un parfait exemple. Il a bien fallu devancer les réglementations sanitaires dans ce cas, et la loi nationale a suivi. Il s’agit d’une nouvelle inversion : il ne faut pas attendre de la loi qu’elle autorise les stratégies de robustesse ; ce sont les initiatives locales robustes qui changeront la loi.
Si la réglementation, encore souvent liée au monde du contrôle et de la performance, gêne le développement de la robustesse, alors il faut envisager d’être non pas hors la loi, mais devant la loi. C’est-à-dire développer des projets pilotes, comme autant de preuves de principes où écologie et économie sont réconciliées. L’exemple de la première régie municipale agricole à Mouans-Sartoux, où la ville produit les aliments de ses écoles localement, en est un parfait exemple. Il a bien fallu devancer les réglementations sanitaires dans ce cas, et la loi nationale a suivi. Il s’agit d’une nouvelle inversion : il ne faut pas attendre de la loi qu’elle autorise les stratégies de robustesse ; ce sont les initiatives locales robustes qui changeront la loi.
Auteurice de la réponse
Olivier Hamant
Réponse ?
Oui